Florian, Marion, Maëlys, Théo… Une délégation du lycée Don Bosco de Marseille était il y a peu à Taizé. Dans ce lieu dédié à la prière, la rencontre est certainement plus facile qu’ailleurs. C’est ainsi que Younes, élève de confession musulmane du lycée salésien, a témoigné lors d’une rencontre interreligieuse. Un très beau moment.
Lorsqu’on demande aux jeunes ce qui les a le plus marqués lors de leur séjour à Taizé, neuf fois sur dix la réponse est : la prière. Frère Roger disait : « La prière n’éloigne pas des préoccupations du monde. Au contraire, rien n’est plus responsable que de prier : plus on vit une prière toute simple et toute humble, plus on est conduit à aimer et à l’exprimer par sa vie. »
Pédagogie de l’intériorité
Le succès de Taizé tient à cette pédagogie de l’intériorité. Des adultes et des jeunes sont conduits là où ils ne voulaient peut-être pas aller, sur un continent ignoré : au cœur d’eux-mêmes, pour y trouver une présence qu’ils ne soupçonnaient pas et qui peut tout changer de leur vie. « Dès nos premiers jours, on entre de plain-pied dans la liturgie de Taizé, matin, midi et soir avec le silence au milieu de la prière. C’est très important que l’on puisse se plonger en soi-même pour y trouver Dieu, son image qui est en nous« , témoigne un jeune participant.
Mais dans un endroit « priant », il y a une atmosphère particulière qui facilite cette rencontre. Ici, on se sent comme à la maison, on va à l’église comme si on allait chez soi.
Expérience du vivre-ensemble aujourd’hui
C’est dans ce cadre qu’une rencontre intitulée « Amitié entre chrétiens et musulmans. Expérience du vivre-ensemble aujourd’hui« , animé par Frère Yohan et Ferenc Hardi, était organisé. Frère Yohan témoigne : « Je viens d’Indonésie, le quatrième pays le plus peuplé au monde et le premier pays à majorité musulmane en nombre de croyants. Les musulmans représentent 87 % de la population, et 9 % se déclarent chrétiens. Sur la pièce d’identité, il est indiqué quelle est notre religion. En Indonésie, il est normal de parler de religion. Quand tu rencontres quelqu’un, il te posera la question : « Es-tu musulman ou chrétien ? » C’est vraiment quelque chose de normal. J’ai beaucoup d’amis musulmans, et dans ma jeunesse, j’accompagnais mes amis à la mosquée. Je ne pouvais pas entrer, mais je voyais mes amis prier. C’était beau de les voir prier. Quand la fête de Noël approchait, je chantais à l’église, et ils étaient surpris de me voir chanter. Je les avais invités à participer à une célébration à l’église. »
Les mots de Younes
Lors de cette rencontre, Younes, élève au sein de la maison salésienne marseillaise, a témoigné : « Je suis musulman et je suis venu à Taizé pour découvrir ce lieu. Je suis scolarisé dans une école privée catholique, Don Bosco, à Marseille, j’ai reçu le message qu’il était possible d’aller à Taizé, et j’ai décidé de m’y rendre. Pourquoi ? Parce que je connais peu la religion chrétienne. C’est une expérience de rencontre avec des jeunes chrétiens. »
« Comment ont réagi tes parents ? Sont-ils musulmans ?« , lui fut-il demandé.
« Ils ont trouvé des informations sur Taizé en ligne et ont compris que c’est un lieu de rassemblement pour les jeunes chrétiens et pour ceux qui recherchent un sens à leur vie, répond Younès. Je ne vous cache pas qu’ils ont été surpris par ma demande, mais ils m’ont fait confiance, car le programme proposait, en plus des prières, la possibilité d’échanger avec des jeunes du monde entier. Mes parents m’ont encouragé à y aller. »
Quelles différences ?
Younès fut évidemment interrogé ce qu’il a vu et vécu : en entrant dans l’église, as-tu remarqué une différence entre une prière à l’église et à la mosquée ? « Oui, répondit-il, j’ai été surpris, car à la mosquée, les hommes sont devant et les femmes derrière, alors qu’à l’église, les hommes et les femmes sont côte à côte, ce que j’ai trouvé bien. »
Et toi, vas-tu à la mosquée ? « Je vais à la mosquée quand je peux. Elle est juste à côté de chez moi. »
Est-ce que tu as été étonné par notre manière de prier ou de converser avec Dieu ? « Oui, au départ, j’ai été surpris, mais en y réfléchissant, c’est un peu comme à la mosquée : nous récitons les sourates, et vous, vous répétez des textes bibliques. Votre prière autour de la croix, je la trouve spéciale, notamment le fait de se concentrer sur la croix et d’y confier ses fardeaux. Mais chez nous, nous avons aussi une prière spéciale, le vendredi midi. »
Et est-ce que tu chantes pendant la prière ? « Non, j’écoute. »
Devenir des créateurs d’amitié
Evidemment, l’échange aurait pu durer des heures, mais il fallait aller manger. Pour la délégation de Don Bosco-Marseille, cette discussion fut une chance. Et une fierté « Jésus propose son amitié à tous. Et cette amitié que Jésus montre, nous pouvons aussi la vivre entre nous« , explique Raphaël Janiec, responsable de la pastorale, qui accompagnait le groupe. « Créer, consolider une communauté d’amitié : n’est-ce pas une contribution que les chrétiens peuvent apporter en vue de l’avenir de nos sociétés ? Le Christ, nous invite à laisser derrière nous l’esprit de rivalité, qui entraîne les oppositions, les injustices, et à devenir des créateurs d’amitié, des artisans de paix. »