A Rome, pour leurs 150 ans, les sœurs salésiennes réfléchissent à la meilleure façon de transmettre le système préventif salésien

« Contribution des Filles de Marie Auxiliatrice à l’éducation (1872-2022) : parcours, défis et perspectives » : tel est le titre du congrès international qui vient de se dérouler à Rome du 25 au 30 septembre. Sœur Maria Rohrer (La Marsa, Tunisie) et sœur Bénédicte Pitti (Paris) ont eu la chance de faire partie des 300 sœurs salésiennes et laïcs qui y participaient en présentiel. Le congrès a également été suivi en distanciel par plus de 1500 personnes de tous les continents.

Cet événement a été organisé par l’Auxilium, la faculté universitaire des sciences de l’éducation des sœurs salésiennes à Rome, en réseau avec des professeurs d’autres universités et instituts supérieurs salésiens du monde entier. 150 ans de mission éducative pour les sœurs salésiennes ! L’occasion de faire le point : qu’entendons-nous aujourd’hui par « système préventif » dans des cultures tellement éloignées de celle que Don Bosco et Marie-Dominique Mazzarello ont connue au XIX° siècle ?

Une formidable enquête a préparé ce congrès en impliquant 500 personnes (moitié sœurs salésiennes, moitié laïcs) travaillant dans 72 pays différents (sur les 97 où vivent des FMA). Ils ont réfléchi à la vision intégrale de la personne, aux buts de l’éducation, à l’approche préventive du système éducatif salésien, à l’importance de la communauté éducative, du travail en réseau… Tous ont exprimé comment ils percevaient et vivaient tout cela dans leurs différents contextes. Plusieurs enseignants et membres d’œuvres sociales de France et de Belgique ont d’ailleurs participé à ce beau travail préparatoire.

Un congrès vraiment international
Le congrès a consacré une journée au passé, une au présent et deux journées à l’avenir. Intervenants, présidents de séance et modérateurs, universitaires, historiens et statisticiens, sociologues et pédagogues, psychologues et anthropologues, ainsi qu’éducateurs, professeurs et enseignants, chercheurs, praticiens et professionnels de l’éducation ont eu la parole. Un panel vraiment international ! Sur le site (traduit en cinq langues) www.convegnofma150.org, on trouve toutes leurs interventions. Le professeur Quentin Wodon, de la Banque mondiale, en visio depuis les Etats-Unis, Bernardo Toro, directeur de la revue « Educacion hoy » en Colombie, Alessandra Morelli, fonctionnaire du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés… aucun n’a minimisé le sérieux de la crise éducative actuelle, mais tous ont eu un regard « positif et non exorciste » sur le monde et sur les jeunes, comme a dit à un moment le cardinal Gianfranco Ravasi, du Conseil pontifical de la culture.
On peut visionner aussi de nombreuses vidéos. Ainsi, pour le passé, on découvre 22 vies de salésiennes qui ont interprété le système préventif salésien avec beaucoup de créativité. Parmi elles, sœur Jeanne Vincent, décédée en 1997 à Lyon, qui a passé sa vie au Gabon… Toutes ces missionnaires ont répandu l’esprit salésien aux quatre coins du monde, permettant à des générations de filles d’étudier et d’être utiles à la société…

Un charisme vécu dans la simplicité du quotidien
Pour le présent, sous la rubrique « bonnes pratiques », 29 courtes vidéos permettent de découvrir comment l’esprit salésien s’est inculturé aussi bien en Amazonie qu’en Inde en passant par l’Afrique… A l’école alternative Saint-Joseph, de Cotonou (Bénin), par exemple : des centaines de jeunes déscolarisés retrouvent le chemin de l’école ; Sonia, en 3° année à la faculté de droit, témoigne avec reconnaissance de l’accueil et de l’accompagnement qu’elle a reçus, enfant, et de ses engagements actuels. Beaucoup de joie, de simplicité et de courage circulent à travers ces vidéos…


En ce qui concerne l’avenir, la présence d’adultes cohérents et enthousiastes auprès des jeunes reste indispensable. « L’enseignant devient un compagnon de voyage qui aide l’élève à donner sens au matériel hyper abondant qu’il trouve sur internet », affirmait par exemple Paul Tighe, expert irlandais en technologies digitales, tandis que plusieurs intervenants ont eu ces mots très forts : « Prendre soin du jeune et des uns et des autres est plus que jamais vital si on ne veut pas assister à l’extinction du genre humain ». En italien, la mise en évidence du mot « care » est facile : « eduCARE ». Prendre soin est un fondement de la pédagogie salésienne au féminin et le restera.

Un appel à se former
L’enquête préparatoire au congrès a révélé qu’énormément d’éducateurs et d’enseignants ont appris le système préventif sur le terrain. Oui, le système éducatif salésien se transmet par la vie, par osmose… Mais une formation théorique un peu systématique et une relecture régulière de l’expérience s’avèrent infiniment riches et précieuses. Sœur Yvonne Reungoat, ancienne mère générale des sœurs salésiennes, s’est exclamée à la fin du congrès : « Partout dans la famille salésienne nous sommes doués pour travailler ! Mais nous asseoir pour réfléchir à comment transmettre le système préventif salésien, c’est moins évident. Or le transmettre est un devoir. Ce trésor n’est pas pour nous, l’humanité entière y a droit ! Eduquer dans le style du système préventif contribue grandement à la paix dans le monde. Cette paix est menacée : à nous tous de nous retrousser les manches pour former de nouveaux transmetteurs de la pédagogie et de la spiritualité salésiennes ! »
Mère Chiara Cazzuola, l’actuelle mère générale, a rappelé l’importance de la formation dans un sens plus large : « Nous sommes en pleine crise anthropologique ; la bonne volonté ne suffit pas pour affronter la complexité de tant de situations. Nous devons investir davantage dans la formation. »

Bénédicte PITTI, FMA