Frère Benjamin, donner de l’espoir aux jeunes qui vont mal | RCF


Comment parler à un jeune qui va mal ? Et si la foi chrétienne pouvait donner de l’espoir aux adolescents en souffrance ?  Prêtre et éducateur, très présent sur les réseaux sociaux, Frère Benjamin cultive un langage simple, émaillé de « punchlines ». Ce qui ne l’empêche pas de tenir un discours profond, utile aux adultes qui accompagnent des jeunes. Une émission de radio RCF.

Un article rédigé par Madeleine Vatel pour RCF.

« L’espoir est une force! », de Frère Benjamin.

Il est connu sur les réseaux sociaux sous le nom de Frère Benjamin, prêtre et chanteur. Benjamin Dewitte-Dubrana est aussi éducateur, membre de la congrégation des Salésiens de Don Bosco et dirige le collège Giel Don-Bosco, dans l’Orne. « Un de nos établissements scolaires où il y a un tout petit pourcentage de cathos. » C’est pour eux, des jeunes « pas forcément cathos et pas des fanas de lecture », qu’il a écrit son livre : L’espoir est une force – Petit manuel pour trouver la lumière quand tout va mal (éd. Artège, 2024).

Un ouvrage conçu pour « accrocher les jeunes » – des jeunes principalement en situation de mal-être – à qui il souhaite transmettre un message d’espoir – c’est-à-dire d’espérance. « Au fond, c’est le même mot mais il parle plus au tout-venant », précise l’éducateur dans l’émission Halte spirituelle. L’espoir, c’est quoi ? « C’est l’idée que jamais rien n’est foutu, voilà, c’est aussi simple que ça ! Je ne vais pas faire de développement théologique, jamais rien n’est foutu ! »

Accompagner les collégiens, à la façon de saint Jean Bosco

Le langage de Frère Benjamin est plutôt direct. Comme il le dit, il parle en « punchlines ». Il emprunte volontiers des métaphores au monde du foot mais à tout moment il peut citer un passage de la Bible. Avec une simplicité déconcertante, l’éducateur formé à la psychologie restitue les bases de l’éducation : responsabiliser les jeunes, les écouter et accueillir leur souffrance, les aider à se libérer du regard des autres et à gagner en liberté intérieure…

Son message peut intéresser toute personne en contact avec des adolescents. À l’heure où l’on s’inquiète de plus en plus de leur état de santé mentale, le livre de Frère Benjamin est le bienvenu. « J’ai déjà des retours de gens qui accompagnent des jeunes, dit-il, tant mieux si ça peut donner du grain à moudre à ceux qui sont dans cette situation d’accompagnement. »

À 41 ans, Frère Benjamin a une bonne expérience de l’accompagnement des collégiens, qu’il prend le temps d’écouter – un accompagnement sur le long terme, insiste-t-il. Son secret pour parler aux jeunes ? « Une espèce de bonhomie joyeuse qui conduit à confiance et qui est le fruit de la confiance », confie-t-il. Une « bonhomie joyeuse » que lui inspire saint Jean Bosco, le fondateur en 1859 de la société de Saint François de Sales (les salésiens de Don Bosco). La famille salésienne, dont on peut retrouver les chroniques sur RCF, présente dans plus de de cent pays, est un acteur incontournable du secteur de l’éducation aujourd’hui en France. Parmi ses nombreux prêtres, religieux et religieuses enseignants et éducateurs, on connaît surtout le Père Jean-Marie Petitclerc, qui intervient souvent dans les médias.

La « confiance » dont parle Frère Benjamin, c’est le maître mot des salésiens. « C’est quand même un mot supra utilisé, de plus en plus dans l’éducation, un peu comme « bienveillance », des tartes à la crème d’aujourd’hui ! » Frère Benjamin aime parler de « responsabilisation », de savoir le sens des « vraies actions, des vraies attitudes, des vraies décisions de vie ». « La confiance se vit, dit-il, elle s’éprouve, quitte à avoir des aléas, mais ça contribue à la sculpter… Quand on relit les échecs de la confiance, il y a quelque chose d’encore plus fort, l’élève prend une sacrée leçon ! »

Parler à des adolescents qui vont mal

Frère Benjamin – Photo ©Sébastien Ngo

Benjamin Dewitte-Dubrana s’est tourné vers la foi chrétienne à l’âge de neuf ans, à la faveur d’un pèlerinage à Medjugorje. Il a souvent témoigné de son adolescence à lui, marquée par l’abandon du père. « À l’adolescence on n’a pas le recul nécessaire et on croit vraiment que notre vie, elle est moisie, elle est pourrie et qu’il n’y a plus rien à en tirer. » Lui s’efforce d’aider les jeunes à « redresser la tête, prendre un peu de recul, de la hauteur, à s’apercevoir que la situation que je traverse n’est qu’une situation parmi tant d’autres dans l’immense perspective de ma vie ».

Quoi qu’il en soit, c’est de temps et de patience dont ont besoin les éducateurs – et les jeunes. « La patience est une des clés pour garder l’espoir. » Comme un footballer après une blessure va devoir compter sur le temps… Parfois les adultes sont « dans la sur-réaction » et ont le réflexe d’être « tout de suite dans les conseils » : Frère Benjamin recommande d’être d’abord dans l’écoute… « Moi quand un jeune me dit qu’il veut se suicider, j’accueille ça. C’est rassurant pour un jeune de se dire que le pire de ce qu’il va nous confier ne va pas nous choquer… Il a besoin de sentir que ce n’est pas la fin du monde. »

« La patience est une des clés pour garder l’espoir. »

Peut-on dire à un jeune en profond mal-être que sa douleur est à prendre comme « une information » ? Et que ce sera pour lui un lieu où grandir ? « Il y a quelque chose à accueillir dans l’épreuve, dans la souffrance », dit Frère Benjamin qui cite saint Paul : « Quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien » (Rm 8, 28). L’éducateur le dit avec conviction, les chrétiens ne sont pas assez bien « formés » sur la question de la souffrance. « On a un raisonnement trop humain ! » Il rappelle que « c’est dans la Passion du Christ que surgit la Résurrection. C’est au cœur de nos morts et de nos ténèbres que surgit la lumière. Ce n’est pas ailleurs en fait ! »

Frère Benjamin encourage donc les chrétiens en particulier à changer de regard sur la souffrance : « Ce n’est pas seulement un truc à subir courageusement. C’est un lieu de rédemption, un lieu de conversion, un lieu de sanctification véritablement… Je pense que ça va jusque-là l’Évangile : « Heureux ceux qui pleurent ». Et ça, ça choque les gens mais c’est pourtant ça, le cœur de l’évangile… C’est ça, la vraie foi catho, c’est cette mystique-là. »

Contre le « diktat » de devoir s’aimer soi-même

Changer de regard aussi sur l’amour de soi. Frère Benjamin s’insurge contre « le diktat de devoir à tout prix s’aimer ». Certes, c’est bien dans la Bible que l’on trouve le commandement « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lv 19, 18) repris par Jésus. Frère Benjamin en donne la version originale en hébreu : « Il faut aimer son prochain en tant qu’il est un autre de nous-mêmes. » Autrement dit, « l’amour est toujours altérité », commente le prêtre éducateur.

Difficile cependant de comprendre cette idée d’altérité quand on sait combien « le regard des autres qui emprisonne, c’est vraiment un élément clé de l’adolescence ». Pour Frère Benjamin, « il faut vraiment que les adolescents entrent dans cette compréhension que le regard d’autrui ne les définit pas ». Un jour, pour son « mot du matin » qu’il prononce chaque jour au collège Giel Don Bosco, il a dit aux jeunes : « Vous êtes qui vous êtes, indépendamment de ce qu’on en dit. »

« Il faut vraiment que les adolescents entrent dans cette compréhension que le regard d’autrui ne les définit pas. »

Comprendre que l’on est unique dans le regard de Dieu : la foi peut aider à gagner en estime de soi, selon Frère Benjamin. « Ce qui m’a guéri de mon propre regard blessé sur moi-même, ce sont des heures d’adoration à me laisser regarder par le Christ… Quand on se laisse regarder par le Christ, peu à peu on se rend compte qu’il n’y a rien qui peut venir à bout de son amour. »

Qu’il est unique et nécessaire au monde, voilà ce que Frère Benjamin veut faire comprendre à un jeune en détresse. « Il faut qu’il entendre résonner dans nos yeux, dans nos regards, dans nos paroles, dans tout, il doit pouvoir entendre : J’ai besoin de toi. Ça, c’est capital ! Je pense que des jeunes sont sortis du marasme suicidaire, dépressif, le jour où ils ont vraiment capté que le monde a besoin d’eux. » Comme le disait saint François de Sales : « Fleuris là où tu es planté. »