Isaac Kimeli, ancien élève de l’institut Don Bosco de Hal, finaliste olympique en athlétisme : « Mon passé a fait celui que je suis devenu aujourd’hui »


L’athlète belge Isaac Kimeli a disputé deux finales olympiques à Paris : le 5000 et le 10 000 mètres. Dans la première, il termine huitième, en 13’18″10. Isaac est arrivé en Belgique à l’âge de 15 ans. Il a été accueilli chez Don Bosco, à Hal, près de Bruxelles. En 2022, il était revenu visiter la maison salésienne flamande et avait été interviewé pour « Don Bosco Magazine » , le bulletin salésien de la province flamande, revenant sur son parcours. Et son passage chez Don Bosco.

D’où vient ta force de vie et de caractère ?
Je suis né au Kenya. À l’âge de 4 ans, je suis allé habiter chez mes grands-parents. Ma mère, qui travaillait dans un hôtel à Mombassa, a fait connaissance d’un Belge et est partie en Belgique avec lui. J’ai grandi au milieu de mes neveux et de mes cousins. C’était une petite maison sans eau ni électricité. Ma mère envoyait régulièrement de l’argent et j’ai grandi dans des circonstances favorables. Quand j’ai eu 15 ans j’ai enfin obtenu mes papiers pour la rejoindre.

Comment s’est passée cette arrivée ?
Je ne peux pas l’oublier. Je venais d’un pays où il faisait 25 degrés, et je suis arrivé un 29 décembre avec moins deux degrés. Je n’avais pas d’ami, les gens parlaient une autre langue, comment communiquer avec mon entourage ? J’ai eu une difficulté énorme. Je voulais retourner en Afrique. L’ardoise était noire !

Isaac, lors d’une visite à Don Bosco Hal.

Mais tu as vite trouvé ton chemin ?!
Oui, par l’école. Je suis allé quelques mois à l’Institut Saint-Guido dans une classe pour nouveaux arrivants. Dès que j’ai su me débrouiller, je suis entré à l’Institut Don Bosco de Halle (Hal), près de Bruxelles. Je devais choisir une filière. J’ai opté pour l’aide aux personnes, un choix surprenant pour un garçon ; en effet, on trouve un maximum de filles dans cette section, mais j’ignorais cela. Au Kenya, je m’étais beaucoup occupé de mon grand-père atteint d’Alzheimer : le laver, lui raser la barbe, lui donner à manger. Vu après coup, c’était un choix judicieux, autrement je me retrouverais avec un dos cassé et ma carrière sportive n’aurait jamais vu le jour.

Tu disais que tu voulais aider les gens, est-ce important pour toi ?
Je veux aider les personnes et les motiver. Tu ne vis qu’une fois et il y a beaucoup de souffrance et de pauvreté dans le monde. Très vite après mon arrivée en Belgique, mon grand-père est mort. C’est ce motif qui me fait bouger. Quand je faisais mes stages en maison de repos ou en hôpital, je faisais plus que le boulot, je parlais avec les malades. Les professeurs ont compris et m’y ont encouragé. Ils m’ont aidé pour les études. Ils suivaient aussi mes progrès à l’entrainement, s’intéressaient aux compétitions, me félicitaient pour mes réussites.

J’ai appris que ta première compétition avait été un vrai flop…
À l’école, on ne faisait qu’un tour du stade. J’ignorais qu’il fallait faire quatre tours. Mais ce n’est pas tout : la veille, j’avais dévoré un steak et des pommes de terre. J’étais habillé avec un long pantalon et une écharpe. Je suis parti comme une flèche, inutile de dire que j’ai brillé ! J’ai compris qu’il ne suffisait pas de courir… Ce qui m’a décidé, c’est mon coach qui m’a dit que si je voulais participer aux JO, je devais changer mon mode de vie. Ça a fait tilt. Je me suis dit que c’était possible.

Ta carrière athlétique n’est donc pas un rêve d’enfant ?
C’est plutôt un enchainement de circonstances. Mais je viens quand même du Kenya, le pays qui donne énormément de champions de la course à pied. Gamin, nous regardions les crossmen sur un petit écran d’ordinateur, mais je ne rêvais pas de carrière sportive, je voulais des chaussures comme les athlètes, et aussi être dans un stade, bouger. Ce rêve-là s’est réalisé. Je n’ai pas oublié le jour où ma mère a acheté ma première paire : je pouvais choisir et j’ai pris la première que j’ai vue, je n’avais jamais eu de chaussures.

Que dis-tu aux jeunes ?
Sois content avec ce que tu as, il y a des gens qui n’ont rien. Dans le sport comme dans la vie, il y a des hauts et des bas, mais les difficultés te rendent fort. À ceux qui me disent de retourner dans mon pays, cela arrive à cause de ma couleur, je réponds calmement que je suis belge. Ne doute pas de toi, crois dans ton rêve et avance.

Qu’est-ce que tu as envie de dire à propos de Don Bosco ?
C’est à l’école que j’ai eu des amis, et mes amis d’alors sont toujours ceux d’aujourd’hui ; les professeurs aussi restent mes amis. C’est ici que ma carrière a commencé. J’ai gagné lors des compétitions annuelles, et j’ai demandé à un prof de m’aider à m’inscrire dans un club. C’est ainsi que j’ai abouti à l’Olympic Essenbeek Halle.

Propos recueillis par Tim Bex (traduction : Jean-François Meurs)

Pour lire l’interview complète dans la revue Don Bosco Magazine, cliquer ici.