Pour la première fois dans l’histoire de l’Eglise, le recteur majeur des salésiens, celui qui veille à l’unité de l’ensemble de la famille salésienne dans le monde, a été élevé par le pape au rang de cardinal. Le père Ángel Fernández Artime, le dixième successeur de Jean Bosco, revient ce que cela signifie pour lui, pour nous… et nous parle des jeunes d’aujourd’hui.
DBA : qu’est-ce que cela signifie pour le 10e successeur de Don Bosco et pour la Famille Salésienne de devenir cardinal ?
Père Ángel : « Pour moi et pour nous tous, Salésiens, c’était une nouvelle complètement inattendue, mais elle confirme l’attention du pape envers notre famille religieuse. S’il a jugé opportun de compter sur moi pour un service à l’Église en tant que Salésien, j’offre ma disponibilité avec beaucoup d’humilité et de sérénité. Don Bosco nous a recommandé de toujours répondre avec enthousiasme à ce que le pape nous demande, parce qu’il aimait profondément l’Église et son pasteur. D’autres voient sûrement des honneurs dans ces nominations : très honnêtement, moi, je le vis uniquement dans la perspective du service. Jusqu’à présent, j’ai servi comme religieux prêtre, je suis recteur majeur des Salésiens et j’aborde désormais avec le même esprit le prochain service à l’Église qui me sera demandé par le Pontife. »
DBA : que dites-vous aux plus de 14 000 fils de Don Bosco, parmi lesquels 130 évêques, qui sont mobilisés dans 135 nations du monde pour être proches des jeunes, spécialement les plus défavorisés ?
Père Ángel : « Nous sommes dans le monde avec pour mission d’accompagner les jeunes, les enfants et leurs familles, car aujourd’hui, sans les familles, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Et nous essayons de rester proches notamment des jeunes les plus pauvres. Dans mon service de cardinal, je ne sais pas ce que le pape me demandera, mais j’essaierai de le faire au mieux de mes capacités : je suis certainement salésien et le choix religieux que j’ai fait quand j’étais adolescent (grâce à la grande foi de mes parents, une famille de pêcheurs d’une petite ville des Asturies en Espagne qui, malgré le besoin de mes bras, m’ont dit « Fils, c’est ta vie et si cela te rend heureux, vas-y ») je le porte dans mes bagages personnels. Je suis un Fils de Don Bosco, j’aime les jeunes, surtout ceux qui ont plus de difficultés, je me sens à l’aise parmi les pauvres et les familles. J’ai toujours voulu vivre dans les missions ou parmi les plus nécessiteux et je porte et porterai toujours tout cela dans mon cœur, quel que soit le service qui m’attend. Depuis que j’ai commencé ma première expérience avec les Salésiens, je me suis toujours senti heureux parmi les jeunes et, 45 ans plus tard, je suis ici et je suis heureux. »
DBA : que recherchent les jeunes et quelles sont les réponses des Salésiens ? Comment parler de Jésus aujourd’hui aux nouvelles générations ?
Père Ángel : « Il est difficile de répondre, car les jeunes du monde entier vivent des réalités très différentes. En pensant à nos jeunes ici en Europe, je reconnais que nous traversons une période très difficile. Être jeune aujourd’hui n’est pas plus facile qu’il y a 25 ans. Ils ont plus de moyens qui peuvent aider et aussi ruiner, il y a un grand manque de paternité et de maternité dans la vie de nombreux garçons et filles. Nous avons l’une des générations les plus instruites de l’histoire de nos nations, mais à la fin de leurs études, ils n’ont pas la possibilité de trouver un emploi qui leur permette de planifier leur avenir : j’imagine combien de parents en souffrent. En Italie et en Espagne, par exemple, l’âge moyen des jeunes qui parviennent à devenir indépendants est supérieur à 30 ans, une situation insoutenable et qui ne donne pas d’espoir. C’est aussi pour ces raisons qu’il n’est pas facile de parler de Dieu aux jeunes qui vivent ces problèmes. La seule manière de les réconforter est de marcher avec eux : on pense souvent que ce sont les jeunes qui doivent venir à l’Église. Mais en tant que Salésien, j’ai appris que, comme Don Bosco, c’est nous qui devons aller les chercher là où ils se trouvent. C’est un grand défi pour notre Église : un chemin de proximité, de croisement de leurs chemins. C’est la meilleure façon de pouvoir leur parler de Jésus. »
Interview réalisée par l’agence salésienne ANS